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Paraboles végétales et fécondité humaine.


Homélie du 15ème dim.A
Paraboles végétales et fécondité humaine.
Evangile selon Saint Matthieu 13,1-9
Appelées paraboles du Royaume, du lac, du jugement, elles ouvrent à une intelligence et à une compréhension à partir de récits qui semblent aisés à comprendre et qui contiennent un sens qu’on ne peut épuiser malgré des siècles d’interprétation, parce qu’elles parlent à l’auditeur du moment.
Les trois premières paraboles sont « végétales » : le semeur, le bon grain et l’ivraie, la graine de moutarde qui devient un arbre. Elles procèdent par progression, il ne s’agit pas d’une simple juxtaposition de récits, ou d’une énumération. Depuis le fait de « veiller » (« celui qui a des oreilles, qu’il entende » achève la parabole du semeur, « être fidèle » (laisser le soin au maître de la moisson de retirer la « zizanie »mêlée au bon grain), «accomplir » (la plus petite de toutes les semences, la graine de moutarde, devient un arbre où les oiseaux viennent nicher).
Chaque parole de la parabole est sujette à une relecture plus symbolique ou spirituelle. Jésus sort de la maison, fait référence au récit qui précède où quelqu’un interpelle Jésus pour lui dire que sa mère et ses frères sont dehors et désirent lui parler. La réponse est théologique : qui sont ma mère et mes frères ? « Celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, lui est pour moi frère, et sœur, et mère ! ». Jésus sort, une autre manière de dire qu’il vient de Dieu. Ce qui est très typique de la foi chrétienne, c’est que Dieu n’est pas seulement une réalité transcendante, Il sort de lui-même (en Jésus-Christ et l’Esprit-Saint)  pour aller à la rencontre « des foules nombreuses ».        
 Il monte dans la barque non parce qu’il craindrait les foules et leur grand nombre, interprétation trop matérialiste.  Ceci nous rappelle le récit dans le livre de la Genèse : Dieu crée par la parole, met de l’ordre dans le chaos pour rendre la vie possible ; et l’Esprit planait sur les eaux.
Jésus lui-même donne les clés de lecture de la parabole aux versets 18 à 23 du chapitre 13. J’aimerais simplement relever les obstacles que rencontre, en nous, la parole qui nous est confiée (pour être écoutée, interprétée et mise en pratique) : l’ignorance, la versatilité et les distractions. Tout cela est si actuel et parfois nous décourage dans la mise en œuvre de la catéchèse et de la pastorale dans le monde actuel. Pourtant, il n’y a là rien de neuf, la parabole du semeur nous l’annonce déjà. Et elle nous encourage à persévérer : la petite graine de moutarde que nous semons deviendra un arbre pour le bien des oiseaux qui viendront faire leur nid dans ses branches !
Dieu fait grâce de manière surabondante malgré les obstacles qui existent entre nous et la Parole. Un lieu sur quatre est fécond, un « entendeur de la parole », mais ce lieu,  « cet entendeur, qui comprend » produit l’un trente, l’autre soixante, l’autre cent.
Pourquoi des « paraboles végétales » ? Pourquoi le pain, le vin et l’eau de nos eucharisties ? Pour signifier le repas partagé et la non-violence dont le végétal  est le signe et le symbole, promesse et actualité du Royaume.
Abbé Thierry Vander Poelen

La Sagesse a été justifiée par ses œuvres.


Homélie 14ème dim.A
La Sagesse a été justifiée par ses œuvres.
Evangile selon St Matthieu 11,25-30.
Pour beaucoup de catholiques, le fait d’être baptisés, d’avoir communié, et d’avoir reçu l’Esprit-Saint  par le sacrement de la confirmation leur fait dire : « nous avons tout reçu ». Il faut admettre que c’est déjà positif de dire cela plutôt que : « on a tout subi »… D’ailleurs parler de « recevoir » ou de « réception » en matière religieuse ne signifie pas seulement que ces sacrements ont été conférés mais qu’on en a compris suffisamment pour en vivre et en témoigner. Pratiquer sa religion, c’est œuvrer dans l’esprit du Christ et participer à la vie communautaire de l’Eglise universelle là où l’on vit, sinon on n’est qu’un « demi » pratiquant. Et souvent, cette pratique est uniquement centrée sur soi. Une sorte d’atomisation du chrétien. Or croire, vivre sa foi, implique une altérité, une action commune caritative ou de prière. En outre, l’idée d’avoir tout reçu implique que  l’on attend plus rien de neuf, d’initiateur, de salvateur. Croire n’est pas une construction d’une image de Dieu, utile en cas de nécessité, quand tous les autres recours humains sont épuisés. Il s’agit là du Dieu « béquille », du Dieu que l’on convoque plus que l’on l’invoque, dont on attend une réponse conforme à nos attentes dans les délais que nous lui prescrivons. Ce Dieu la est décevant dans la plupart des cas.
L’Evangile d’aujourd’hui nous montre une louange du Père par Jésus pour sa révélation aux           tout-petits de « choses »cachées aux sages et aux savants, et cela non par caprice mais par amour : « oui Père, tel est le choix de ton amour ».  A ceux qui peinent est promis d’être déchargés de leurs fardeaux pourvu, et cela paraît étrange voire paradoxal, qu’ils prennent sur eux le joug du Christ. Le « petit » n’est pas l’objet de la miséricorde distante de Dieu mais rendus participants à l’œuvre de salut de celui qui se définit comme « doux et humble de cœur ». Car il se dépouillera de toute forme de pouvoir en acceptant d’être suspendu au bois de la croix, identifié aux petits. Le joug est bienfaisant, oui mais pour qui ? Un joug ne semble jamais pouvoir être qualifié de bienfaisant. Eh bien si. Lorsque nous prenons  part ensemble à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel. Et cela il me semble que c’est inenvisageable si l’on s’enferme dans l’individualisme du « j’ai tout reçu, maintenant basta ».
L’amour n’est pas d’abord le but de l’existence humaine, il en est le point de départ. Seul celui à qui est révélé qu’il est aimé d’emblée, dès le commencement peut concevoir la gratuité et la plénitude de celui-ci. L’amour de Dieu n’est pas une contrainte mais une révélation qui prend corps dans le Christ Jésus. Les bonnes œuvres ne sont pas les conditions de l’amour de Dieu pour nous, mais elles sont le fruit de notre foi active et vivante qui ne se contente pas d’une autosatisfaction à bon compte.

Abbé Thierry Vander Poelen

Homélie de Pentecôte A


Evangile selon Saint Jean 20,19-23.
Voilà pourquoi le christianisme n’est pas une idéologie ou une fable.
Les écueils sont réels quand on parle du christianisme ou de l’Eglise, de tomber soit dans l’idéologie soit dans la fable. Non pas que ces catégories de pensées soient à rejeter comme mauvaises en soi, mais il question de tout autre chose dans l’évènement du Don du Saint Esprit aux disciples. Le récit ne nous montre pas la transmission d’un système de valeurs ou d’organisation de la société, il n’est pas plus dans l’extraordinaire ou l’ésotérique. Quels sont les éléments probants de ce court récit, ancré dans l’histoire du salut, qui nous invite à vivre de l’Esprit de Dieu, hors d’une perspective finie (l’idéologie) ou sans grand intérêt (la fable) ?
Etrangement, la peur des disciples (le texte ne dit pas « apôtres », mais peut-être traduisons-nous spontanément un terme pour un autre ; cela pose question) de leurs semblables, les juifs, est le premier élément à retenir. Il ne s’agit pas, pour eux, de douter de l’enseignement de Jésus (c’est-à-dire : « Dieu sauve »), mais de ressentir une peur par rapport à la mort physique et sociale qu’encourait le disciple de ce Jésus de Nazareth. Lui qui n’avait de cesse, d’ailleurs, d’enseigner l’exercice de la liberté respectueuse de l’altérité. Plus encore, il mettait le petit et le faible au centre de la communauté, comme norme. L’absence de cette sorte de peur, au niveau religieux, est souvent un indice de fanatisme : une force qui ne doute pas d’elle-même et qui ne compte que sur elle-même.
Bienheureuse peur qui rapidement fait place à la joie, au « chérissement » traduisent certains : le Crucifié est ressuscité, deuxième élément. La joie du disciple, avant d’avoir reçu l’Esprit-Saint. Nous nous souvenons des récits qui nous racontent que ceux qui voyaient les disciples témoigner, pensaient qu’ils avaient bu du vin doux. Le vin des noces spirituelles, de l’Alliance. On n’est pas dans l’ésotérique mais dans l’incarnation, avec ce genre de joie. Les idéologies connaissent éventuellement l’enthousiasme, souvent l’embrigadement, la résignation, la détermination mais rarement ou jamais cette joie. Deuxième élément.
Troisièmement, dans les rapports de pouvoir, la question qui se pose est celle de la légitimité. Au nom de quoi dites-vous cela, d’où tenez-vous votre (prétendu) pouvoir ? Questions posées à Jésus durant sa vie par diverses autorités, posant également la question de la vérité, questions posées sans cesse à l’Eglise catholique par les médias, par les politiques, et par tous ceux qui ne veulent pas dire au nom de quoi ou de qui ils agissent. L’Evangile nous indique que la légitimité des disciples ne vient pas de leurs mérites ou de leurs désirs mais de la relation de Jésus au Père : « Amen, amen, je vous dis : qui entend ma parole et croit en Celui qui m’a donné mission a la vie éternelle. Il ne vient pas en jugement mais il est passé de la mort à la vie. » (St Jean 5, 24). Les disciples reçoivent le Don ineffable, qui inspire la Création et ensuite l’humain dès le principe. L’oeuvre du Souffle divin et de la Parole de Dieu est de mettre de l’ordre dans le chaos, le tohu-bohu. Voilà la mission qui leur est confiée. Ils s’inscrivent ainsi dans l’histoire sainte, et en particulier dans la mission prophétique de l’Eglise. Comme il est dit dans le prophète Isaïe : « Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit du Seigneur. »
« Il jugera non sur l’apparence. Il ne se prononcera pas sur le ouï-dire. Il jugera le faible avec justice. On ne fera plus de mal ni de violence sur toute ma sainte montagne, car le pays sera rempli de la connaissance de Dieu. »Isaïe 11, 1-2 et sv.. Les dons de l’Esprit parlent de l’histoire d’Israël : esprit de sagesse et d’intelligence comme le roi Salomon, esprit de conseil et de force comme le roi David, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur comme les Patriarches et les prophètes.
Enfin, Jésus confie à ses disciples non pas un pouvoir mais une responsabilité : lier et délier. Décharger leurs semblables de leurs fautes, de leurs péchés. Il ne choisit pas un disciple comme successeur mais invite collégialement les disciples à oeuvrer dans ce sens. La seule peur que nous devrions ressentir, pour revenir au début de l’Evangile, c’est l’enfermement dans le mal. « C’est Jésus de Nazareth qui découvrit le rôle du pardon dans le domaine des affaires humaines.(…) .»« C’est seulement en se déliant ainsi mutuellement de ce qu’ils font que les hommes peuvent rester de libres agents ; c’est parce qu’ils sont toujours disposés à changer d’avis et à prendre un nouveau départ que l’on peut leur confier ce grand pouvoir qui est le leur de commencer du neuf, d’innover .»(…) A cet égard, le pardon est exactement le contraire de la vengeance(…). (…)Le pardon est la seule réaction qui ne se borne pas à réagir mais qui agisse de façon nouvelle et inattendue, non conditionnée par l’acte qui l’a provoquée et qui par conséquent libère des conséquences de l’acte à la fois celui qui pardonne et celui qui est pardonné. » Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, l’Action, dans L’Humaine Condition, Quarto Gallimard, 2012, pp.252-254.
La Pentecôte est, au-delà du descriptible, l’évènement nécessaire à l’épanouissement de l’humanité pleinement divinisée.
Abbé Thierry Vander Poelen

Homélie du 5ème dimanche de Pâques A


Nos oeuvres ne sont pas absurdes.

Quand Dieu crée il parle et met de l’ordre dans le chaos (tohu-bohu), quand Jésus parle il promet le contraire du chaos : il est le chemin qui mène à la maison du Père.
Thomas et Philippe l’appellent d’ailleurs « Seigneur », maître de la vie. Chaque fois que Thomas intervient dans l’Evangile selon Saint Jean il permet à Jésus de se révéler. Il est à noter que leurs interventions suivent une affirmation claire de Jésus. Leurs prises de parole montrent combien Dieu est patient avec l’homme, le père De Lubac parlait de la pédagogie divine. Quiconque a enseigné sait cela. Je veux parler des enseignants qui sont également de bons pédagogues, cela n’est pas donné à tous. Ce dont Jésus parle ne consiste pas en démonstrations logiques et évidentes. Il s’agit d’accueillir une promesse et une destinée : « je vais vous préparer un lieu dans la maison de mon Père où il y a beaucoup de demeures ».
La foi sans les oeuvres est morte disait Saint Jacques, Jésus fait les oeuvres de Dieu, il est l’Envoyé (ce terme revient souvent dans l’Evangile) : « Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père, et le Père est en moi ; si vous ne croyez pas ma parole, croyez au moins à cause des oeuvres ». Cela renvoie dos-à-dos les incroyants et les croyants d’autres religions ; Jésus accomplit ce qu’aucun philosophe, aucun prophète n’a jamais fait, les oeuvres de Dieu.
Dieu n’est plus un concept, un postulat, un sujet du café du commerce, il est et il oeuvre immédiatement et parfaitement pour le salut de l’humanité.
Et une autre révélation de cet Evangile, c’est que l’homme n’est pas un roseau pensant ou un vermisseau postulant la miséricorde de Dieu mais il est appelé à accomplir des oeuvres encore plus grandes. Le Seigneur invite l’homme à rendre compte de l’espérance qui est en lui, à oeuvrer à son tour les oeuvres de Dieu. Si ce n’est pas clairement défini c’est précisément qu’il y a « plusieurs demeures dans la maison du Père », il y a beaucoup de vocations, différentes mais concordantes. Il y a des espaces de liberté et d’espérance. Un dynamisme créateur qui invite l’homme à devenir à son tour créateur plutôt qu’indifférent et passif. Il faut renoncer à donner une interprétation ultime à certaines phrases que nous livre le Seigneur, il s’agit de se laisser guider par son Esprit qui nous surprend. Œuvrer sur le chemin de la vie. « Pour moi vivre, c’est le Christ » dira Saint Paul, humblement.
Les chrétiens reçoivent une mission essentielle, celle d’annoncer que la vie n’est pas absurde si l’on se fie à celui dont Pierre disait : « Partout où il passait il faisait le bien ». Sachant que ce qui précède cet Evangile, c’est l’annonce par Jésus à Pierre de son triple reniement. Comme quoi, en Dieu, rien ni personne n’est jamais totalement perdu et nos vies prennent sens.
Abbé Thierry Vander Poelen

Homélie du 4ème dim.Pâques A

Le bon berger donne sa vie pour ses brebis.

L’Évangile de ce dimanche, extrait du chapitre 10 de Saint Jean, prolonge et explicite sur un autre mode le récit qui précède : celui de la guérison de l’aveugle-né. Jésus n'est pas seulement un rabbi ou un thaumaturge, il est le Sauveur.
L’image présentée est celle du berger (image classique dans la bible), du pasteur. Cette auto-présentation
de Jésus comme berger d’Israël et « des autres brebis (les non-juifs, appelés aux-aussi à l’Élection divine, qui ne sont pas de cet enclos et qu’il doit aussi amener (au Père) », pourrait paraître naïve, dépassée, méprisante même : sommes-nous un troupeau ?
Si l'on s’en tient à lecture au premier degré ou superficielle, certes, ce récit paraît peu convaincant . Mais il y a un récit de guérison qui précède, une œuvre de salut de l’humain qui dépossédé de la vision du monde et de Dieu.
Jésus le Christ dit à cette occasion pourquoi il est né: « c’est pour un jugement que je suis venu en ce monde : que les non-voyants voient et les voyants deviennent aveugles» (Jn 9,39). Le rôle du bon berger s’oppose à quatre images citées dans cet Évangile : l’inconnu, l’étranger, le voleur et le mercenaire.
Le mercenaire qui est un fuyard face au danger, à la persécution, représente des mauvais « bergers » d'Israël, scribes ou pharisiens, compromis contre leur gré, avec le pouvoir romain. « Fuir devant le loup », est une autre manière de parler de leur attitude face « aux fils de la louve » (représentant symboliquement Rome et son armée d'occupation). L'image du bon berger dit qui est le Christ et, par opposition, ce qu’il n’est pas.
Il interroge l’auditeur de l’Évangile pour qu’il se détermine ici et maintenant. L’image naïve et négative du troupeau est dépassée par les promesses de vie en abondance, de salut et de liberté ; les brebis entrent et sortent de l'enclos comme bon leur semble.
Le récit montre également l’unité du genre humain en Christ et l’unité de Celui-ci avec le Père, ce que l’on appelle le rapport d’agapè qui qualifie l’unité : «Pour cela le père m’aime : c’est que je donne ma vie pour la prendre de nouveau. Personne ne me l’enlève, mais moi, je la donne de moi-même. J’ai pouvoir de la donner et pouvoir de la prendre de nouveau : tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père » (Jn 10,17-18).
On est bien loin d'un récit bucolique ou enfantin, d'images d’Épinal, du Christ à l'eau de rose. Il traite de l'unité de l'humanité, de la fraternité humaine, de l'amour oblatif qui réunit les humains entre eux et avec le Père grâce uniquement au Christ, l'unique médiateur.
Ce qui valide son message ? Le fait qu'il donne, pose sa vie dans toutes ses dimensions passant par la souffrance et la mort qui sont vaincues. Tel est le bon, le beau berger non plus simplement d'Israël mais de tout homme venant en ce monde.
                                                                     Abbé Thierry Vander Poelen

Commentaire Evangiles du 3ème dimanche de Paques

Saint Jean-Paul II (1920-2005), pape
Lettre apostolique « Mane nobiscum Domine » §24-28 (trad. © copyright Libreria Editrice Vaticana)


« À l'instant même ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem »


      Après avoir reconnu le Seigneur, les deux disciples d'Emmaüs « se levèrent à l'instant même » pour communiquer ce qu'ils avaient vu et entendu. Lorsqu'on a fait une véritable expérience du Ressuscité, se nourrissant de son corps et de son sang, on ne peut garder pour soi seul la joie éprouvée. La rencontre avec le Christ, approfondie en permanence dans l'intimité eucharistique, suscite dans l'Église et chez tout chrétien l'urgence du témoignage et de l'évangélisation. Je l'ai souligné précisément, me référant aux paroles de Paul : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne » (1Co 11,26). L'apôtre met en étroite relation le banquet et l'annonce : entrer en communion avec le Christ dans le mémorial de la Pâque signifie en même temps faire l'expérience de la nécessité de se faire missionnaires de l'événement actualisé dans ce rite. L'envoi à la fin de chaque messe constitue une consigne qui pousse le chrétien à s'engager pour la diffusion de l'Évangile et pour l'animation chrétienne de la société.


      Pour une telle mission, l'eucharistie ne procure pas seulement la force intérieure, mais aussi — en un sens — le projet. Elle est en effet une manière d’être qui, de Jésus, passe chez le chrétien et, par le témoignage de ce dernier, vise à se répandre dans la société et dans la culture. Pour que cela se réalise, il est nécessaire que chaque fidèle assimile, dans la méditation personnelle et communautaire, les valeurs que l'eucharistie exprime… C’est-à-dire rendre grâce… : [l’eucharistie] nous engage à un « merci » permanent…pour ce que nous avons et pour ce que nous sommes…; la voie de la solidarité… : le chrétien qui participe à l'eucharistie apprend par elle à se faire artisan de communion, de paix, de solidarité, dans toutes les circonstances de la vie…; le service des plus petits…, un engagement effectif dans l'édification d'une société plus équitable et plus fraternelle… : en s'agenouillant pour laver les pieds de ses disciples (Jn 13,1), Jésus explique sans équivoque le sens de l'eucharistie.

Homélie du 3ème dim. De Pâques A


Kleopas et un autre disciple marchent vers Emmaüs.
« Les pèlerins d’Emmaüs » est un récit très connu, il n’est rapporté que dans l’Évangile selon Saint Luc. Beaucoup de choses se passent ce même jour. Les femmes viennent au tombeau pour apporter les aromates qu’elles ont préparés, elles voient la pierre qui est roulée hors du sépulcre entrent et ne trouvent pas le corps de Seigneur Jésus. « Pourquoi chercher le vivant parmi les morts ? » demandent deux hommes « en habit d’éclair ». Elles annoncent ce qu’elles ont vu et entendu aux onze apôtres et à tous les autres, mais eux ne les croient pas. Pourtant Pierre se lève, court au sépulcre et voit les linges, seuls, il revient chez lui étonné de ce qui est arrivé. Ici commence le récit des deux pèlerins d’Emmaüs. Les verbes grecs indiquent que tout en marchant la discussion devient plus vive : ils s’entretiennent (v.14a), ils discutent (v.15a), ils se « lancent des paroles » (v.17c). Quand Jésus, qu’ils ne reconnaissent pas, s’approche pour faire route avec eux, ils disent leur désappointement, ils espéraient qu’il délivre Israël. Ils rapportent néanmoins le récit des femmes et rajoutent que d’autres que Pierre ont été au sépulcre et ont bien trouvé les choses comme les femmes avaient dit. Et Jésus va interpréter l’Écriture et leur ouvrir l’intelligence qui implique le cœur, lieu où se rencontrent les sentiments et l’intellect. Jésus, le Nazarène, le crucifié, qui est ressuscité, est bien le Messie. Voilà le cœur du message chrétien. L’Histoire Sainte a un sens. Il est normal qu’il y ait de l’incrédulité, de l’étonnement. L’acte de foi est purifié par cela. Il ne s’agit pas d’une démonstration irréfutable mais d’un évènement, d’expériences validées par les Ecritures Saintes. Le temps du repas est essentiel. Ils sont au bout de leur marche, ils approchent d’Emmaüs. Ils offrent l’hospitalité à cet inconnu à qui ils n’ont jamais demandé son nom. Jésus s’attable près d’eux, prend le pain le bénit et le partage ou dit une autre traduction leur remet. Quand ils le reconnaissent à l’ensemble de ces gestes associés à l’interprétation de l’Ecriture, il disparaît à leurs sens. Ils se lèvent à l’instant et affrontent la nuit pour retourner à Jérusalem et annoncer à leur tour aux onze qu’ils ont rencontré le Seigneur, c’est-à-dire le maître de la vie. Les onze confirment, en effet, il s’est réveillé, il a été vu par Simon.
La densité de ce récit mêle l’acte de foi, la transmission de celle-ci par les femmes et les apôtres, les disciples, il montre l’Eglise naissante à qui est confiée la bénédiction, et le partage du pain, signe fort de la présence du Ressuscité. Une Eglise qui n’a plus peur d’affronter la nuit dans tous les sens du terme, et qui devient par là même « corps du Christ ». Une Eglise qui comme ces pèlerins d’Emmaüs est toujours en chemin et en débat , vers un village dont on s’interroge aujourd’hui encore sur sa localisation. Cela aussi est hautement symbolique.


Abbé Thierry Vander Poelen

16 mars



Planning de la semaine
Samedi 22
     17h : Catéchèse 1è Communions
     18h : Messe adaptée pour les enfants de la 1e communion
     18h : 1e messe du 3e dimanche de Carême
Dimanche 23
     9h15 : Catéchèse pour la Profession de Foi et la Confirmation
     10h30 : Dernière messe des Familles - 2e messe du 3e dimanche de Carême
     18 : 3e messe du 3e dimanche de Carême

Évangile du dimanche passé
(selon saint Matthieu 17, 1-9)
Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l'écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s'entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » Il parlait encore, lorsqu'une nuée lumineuse les couvrit de son ombre ; et, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! » Entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre et furent saisis d'une grande frayeur. Jésus s'approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et n'ayez pas peur ! »
Levant les yeux, ils ne virent plus que lui, Jésus seul.
En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts. »


Commentaires de l'abbé Thierry Vander Poelen


Jésus transfiguré, défiguré, ressuscité.

On parle beaucoup sur cette montagne : Moïse, Elie, Pierre, la voix de Dieu et Jésus. Cette voix de Dieu  s’est déjà fait entendre au baptême du Christ (Mt 3,7), sauf qu’un verbe est rajouté : écoutez (ou entendez). Ce verbe commence la prière du Shema israël. Ecouter mais ne pas parler de cette expérience, de cette apparition jusqu’à ce que « le fils de l’homme se réveille d’entre les morts ». Il y a un temps pour tout.  Les trois disciples sont tombés face contre terre en entendant cette voix, Jésus les touche et leur dit deux choses : « relevez-vous » (au sens éveillez-vous) et « ne craignez pas ». C’est ce même corps métamorphosé, lumineux que les soldats romains vont torturer et mettre en croix. Seuls ceux qui ont été torturés peuvent comprendre ce que cela signifie de destruction de la volonté, de la dignité de l’être humain. Pourtant le mal ne peut éteindre la puissance de la lumière de la transfiguration. Mais pourquoi donc torturer quelqu’un que l’on va crucifier ? Mettre en croix est, en soi, une torture autant qu’une mise à mort. Procéder comme cela vise à défigurer la personne, à l’avilir, à la discréditer : où donc est la puissance de Dieu ? (disent les sceptiques et les cyniques). Dieu est là où l’homme est défiguré, pour lui dire que ce n’est pas le dernier visage de l’être humain. Jésus est transfiguré pour transfigurer l’humanité. Contre cela les bourreaux ne peuvent rien faire, ils sont impuissants. Cette lumière précède le mal et lui succède, il est mis comme entre parenthèse entre transfiguration et résurrection.  Comme c’est le transfiguré qui sera défiguré, ce sera le crucifié qui sera ressuscité. 
Sœur Emmanuelle du Caire me disait un jour après une homélie sur la transfiguration : « vous êtes à côté de la plaque, il faudrait plutôt dire que nous sommes déjà transfigurés ! »
Cela nous est donné, il faut maintenant vivre debout, libérés des craintes existentielles, en marche. Et aujourd’hui, le Christ nous demande de parler, de témoigner.


Abbé Thierry Vander Poelen


9 mars

Planning de la semaine 
Samedi 15
     18h : 1e messe du 2ème Dimanche du Carême
Dimanche 16
     9h : 9ème cathéchèse précédée du petit déjeuner    
     10h30 : 2e messe du 2ème Dimanche du Carême
     18h : 3e messe du 2ème Dimanche du Carême


Évangile du dimanche passé
(selon saint Matthieu 4,1-11)
Jésus, après son baptême, fut conduit au désert par l'Esprit pour être tenté par le démon.
Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim.
Le tentateur s'approcha et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. »
Mais Jésus répondit : « Il est écrit : Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »
Alors le démon l'emmène à la ville sainte, à Jérusalem, le place au sommet du Temple
et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »
Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Le démon l'emmène encore sur une très haute montagne et lui fait voir tous les royaumes du monde avec leur gloire.
Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes pour m'adorer. »
Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C'est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, et c'est lui seul que tu adoreras. »
Alors le démon le quitte. Voici que des anges s'approchèrent de lui, et ils le servaient.


Commentaires de l'abbé Thierry Vander Poelen


L’Eprouvé.

L’Evangile de ce jour commence par : «Jésus, après son baptême », Dieu a signifié publiquement l’identité et la mission du Messie : « celui-ci est mon fils, l’Aimé, en qui je me plais ».  Jésus, le Christ, est amené par l’Esprit au désert pour être éprouvé, plus que tenté, par « le père du mensonge » qui s’oppose à «abba », notre Père. André Chouraqui note dans sa traduction de ce passage de l’Evangile : « la majeure partie des pays des pays de la Bible est désertique. C’est dans cette immensité à la géographie stérile que se situent généralement les dialogues de l’homme avec l’Incréé. Le désert, midbar, est mentionné 271 fois dans le Bible hébraïque, est un lieu de pleine fécondité spirituelle. Il permet le face-à-face le plus nu entre l’être et l’Etre, entre soi et Soi. » Le jeûne du Christ est le plus strict, de jour et de nuit, contrairement à d’autres religion où l’on ne jeûne que le jour. «Après, Il a faim »dit notre Evangile.  Ceux qui ont connu la faim et les privations savent qu’elles nous transforment. L’homme devient un prédateur, seul apparaît son instinct de survie. Le Christ  mène les combats essentiels de toute existence humaine. Le sens plénier de la parole du Crucifié qui justifie l’humanité en disant : « ils ne savent pas ce qu’ils font » ne prend son sens que sur la croix et non pas à l’occasion d’une causerie lors d’un déjeuner sur l’herbe.        De même, les combats spirituels ne prennent leur sens que lorsque nous sommes dépouillés, malades, isolés. C’est là que le Christ nous rejoint et que nous le rejoignons dans les déserts de nos existences. Aucun café-philo ne peut atteindre cette réalité. Là est la question centrale : le Christ ne s’identifie pas aux choses, pouvoir, savoir, argent, nourriture mais aux plus « petits», les pauvres de Dieu, les « minicroyants » (oligopistos) ; les hommes de peu de foi que nous sommes. Il s’est fait pauvre et obéissant jusqu’à mourir sur une croix. Saint Paul nous le dit :  «En effet, de même que tous sont devenus pécheurs parce qu’un seul homme a désobéi, de même tous deviendront justes parce qu’un seul homme a obéi ». L’obéissance et la confiance à la Parole de Dieu. Le Salut en Christ l’emporte sur les épreuves et le mal subi ou commis. Jésus le Christ place l’homme, non plus principalement au niveau de ses pulsions de survie, mais au niveau de la Vie en plénitude. Que l’homme ne soit pas un loup pour l’homme. Ponce Pilate, sans y penser, présentera Jésus à la foule en disant : « o anthropos » traduit par « voici l’homme », celui qui est pleinement humain. C’est cet homme-là qui est vrai homme et vrai Dieu. Eprouvé a, alors, un double sens : qui a subi l’épreuve et qui a traversé l’épreuve pour nous. L’Histoire de l’humanité n’est plus la même depuis lors.

Abbé Thierry Vander Poelen 


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